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jeudi 13 mars 2014

Mbeubeuss, dans le monde des ordures.


Ouverte en 1968, la décharge de Mbeubeuss, située dans la banlieue, à Malika, abrite toutes les ordures de la région du Cap – Vert, Dakar.  Défis écologiques, risques sanitaires …  telles sont les menaces qui pèsent sur les épaules de ceux qui fréquentent les lieux et les habitants du quartier.

Cette partie du département de Pikine amasse et entasse tous les déchets que rejette la société consommatrice. A notre arrivée vers 11h, en ce jour de dimanche, une odeur asphyxiante et nauséabonde  nous accueille. Il faut se boucher le nez avec un mouchoir pour échapper à une toux soudaine. Les camions défilent les uns après les autres pour décharger leurs ordures. Malgré le courant d’air froid, des  jeunes, des femmes et même des enfants s’activent à la fouille, récupération et revente des fers, bouteilles, cartons etc. Ils sont plus d’une centaine à fréquenter  Mbeubeuss qui s’étend sur 175 hectares. « Je fréquente ici depuis presque 7ans et je tire toutes mes ressources dans ce travail. Je nourris toute ma famille avec l’argent des ordures .» nous dit Amadou Diop, ce cinquantenaire trouvé sur les montagnes de déchets. Non loin de lui, on aperçoit un groupe d’enfants, habits en haillon, entrain de fouiller dans les ordures. « Nous venons souvent ici pour chercher des ferrailles qu’on va ensuite revendre. Il y a des gens qui les achètent juste à l’entrée.» nous souffle Mamadou Gueye, élève en classe de 5ème secondaire. Avec sa taille moyenne et son teint noir, Mamadou fugue les cours pour venir se faire de l’argent dans cet endroit qu’il aime bien.
Les nombreux risques de Mbeubeuss n’ébranlent guère ces occupants qui y passent tout leur temps. Vêtu d’un boubou bleu sombre et tenant un sac sur son épaule droite, Gora Gueye, 28 ans, sait que sa présence sur ces lieux comporte des risques. « Nous savons qu’il y a des risques énormes mais nous sommes obligés de cohabiter avec ces dangers. C’est vraiment un mal nécessaire. » laisse t- il entendre. Trouvé plus loin, au milieu des montagnes de déchets, Sayer Fall, masque de protection sur le visage, avec des gans qui couvrent les mains, est conscient lui des menaces. «  Puis que nous ne pouvons pas quitter ces lieux, il faut cependant se protéger avec les moyens de bord pour se prémunir des dangers. », nous explique t- il.
Dans ce dépotoir, même s’il n’est pas facile d’y travailler, les récupérateurs y gagnent beaucoup. En face des monticules de déchets, dans une des cabanes, allongeant le long du site, se trouve Abdou Khouma, teint noir, taille moyenne, avoisinant la trentaine, qui a quitté famille et proche pour s’installer définitivement à Mbeubeuss. « Je suis là depuis cinq ans et je m’en sors plutôt bien malgré les conditions précaires dans lesquelles nous travaillons. Il m’arrive de gagner 3000 à 5000 f CFA par jour. Sincèrement je ne me plains pas du tout.», déclare t-il. En face des cabanes, sont garés des camions vides. Selon A. Khouma, des entreprises viennent souvent ici pour acheter les objets  récupérés à des prix vraiment intéressants. Ces camions vont transporter les objets déjà récupérés pour le recyclage dans les usines.
Le bonheur des uns fait le malheur des autres. A Mbeubeuss, les riverains crient nuit et jour leur désarroi. Ils se sentent menacés par les dangers auxquels  leurs familles encourent tous les jours. Le ronronnement des camions qui se défilent toute la journée dérange la quiétude des habitants. Assise devant son domicile, à quelques centaines de mètres du dépotoir, une maison à 2 étages, Fatou Kiné Diallo, la quinquagénaire, raconte leur calvaire : «  Tous les jours, nous faisons des va et vient entre l’hôpital et la maison. Et tout ça à cause des déchets avec lesquels nous vivons ». Selon cette mère de famille, le district sanitaire de Malika ne reçoit que des malades issus des alentours de Mbeubeuss. Les nombreux cas de tuberculose hantent le sommeil de ces gens qui pensent tout leur temps à veiller et à nourrir leurs progénitures. Pour la plupart, l’Etat doit fermer ce dépotoir et le transférer ailleurs parce que l’endroit est trop proche d’eux. « Nous avions organisé une marche pour nous faire entendre mais jusqu’ à présent nos revendications ne sont pas prises en compte. » nous explique Maimouna Diop, sacoche à la main.
Un souhait vite battu en brèche par certains récupérateursTout en sueur, le vieux Moustapha Dieng, vêtu d’une tenue de travail, se défend : « C’est impensable de délocaliser ce site vu qu’il nous rapporte beaucoup de choses mais aussi à l’Etat qui en tire des bénéfices. Délocaliser Mbeubeuss ne doit pas être à l’ordre du jour, il y’a des choses plus importantes». « Même l’Etat ne peut pas trouver un endroit meilleur qu’ici. » poursuit son compagnon, Abdoulaye Diop, la cinquantaine bien sonnée.

Mbeubeuss avec ses monticules de déchets doit il disparaitre ou non ? En tout cas, le moment est venu pour que les autorités prennent des mesures énergiques pour protéger les habitants contre cette bombe écologique.

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